Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/446

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’aux horreurs de la cour d’assises. Peuh ! on ne voit au grand jour de la Gazette des Tribunaux que les mélodrames sanglants de la vie, et les acteurs, d’immondes scélérats sont lâches comme le couteau ou bêtes comme le poison qu’ils emploient. C’est dans l’ombre des familles, souvent à l’abri du code que s’agite le drame vrai, le drame poignant de notre époque ; les traîtres y ont des gants, les coquins s’y drapent de considération, et les victimes meurent désespérées, le sourire aux lèvres… Mais c’est banal ce que je vous dis là, et vous vous étonnez…

— Je me demande comment vous avez pu découvrir toutes ces infamies.

Le gros homme eut un large sourire.

— Eh ! eh !… fit-il, d’un air content de soi, quand je me donne à une tâche, je m’y applique tout entier. Notez bien ceci : un homme d’intelligence moyenne qui concentre toutes ses pensées, toutes les impulsions de sa volonté vers un seul but, arrive presque toujours à ce but. De plus, j’ai mes petits moyens à moi.

— Encore faut-il des indices, et je n’aperçois pas…

— C’est vrai ; pour se guider dans les ténèbres d’une pareille affaire, il faut une lueur. Mais la flamme du regard de Clameran, quand j’ai prononcé le nom de Gaston, son frère, a allumé ma lanterne. De ce moment, j’ai marché droit à la solution du problème comme vers un phare.

Les regards de Prosper interrogeaient et suppliaient. Il eût voulu connaître les investigations de son protecteur, car il doutait encore, il n’osait croire à ce bonheur qu’on lui annonçait : une éclatante réhabilitation. Voyons ! fit M. Verduret, vous donneriez bien quelque chose pour savoir comment je suis arrivé à la vérité.

— Oui, je l’avoue ; c’est pour moi un tel prodige !…

M. Verduret jouissait délicieusement de la stupéfaction de Prosper. Certes, ce n’était pour lui ni un bon juge, ni un amateur distingué ; peu importe, on est toujours flatté d’une admiration sincère, de quelque part qu’elle vienne.