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L’énergie de Madeleine, que ses calculs ne prévoyaient pas, venait de faire manquer le coup de théâtre sur lequel il avait compté et déconcerté ses savantes prévisions.

Il avait trop d’expérience pour se flatter désormais d’intimider une jeune fille si résolue. Il comprenait que, sans avoir pénétré ses desseins, sans saisir le sens de ses manœuvres, elle était assez sur ses gardes pour n’être ni surprise ni trompée. De plus, il était patent qu’elle allait dominer Mme  Fauvel de toute la hauteur de sa fermeté, l’animer de sa hardiesse, lui souffler ses préventions et enfin la préserver de défaillances nouvelles.

Juste au moment où Louis croyait gagner en se jouant, il trouvait un adversaire. C’était une partie à recommencer.

Il était clair que Madeleine était résignée à se dévouer pour sa tante, mais il était certain aussi qu’elle était déterminée à ne se sacrifier qu’à bon escient et non à tout hasard sur la foi de promesses aléatoires.

Or, comment lui donner les garanties qu’elle demandait ? Quelles mesures prendre pour mettre ostensiblement et définitivement Mme  Fauvel à l’abri des entreprises de Raoul ?

Certes, une fois Clameran marié, Raoul devenu riche, Mme  Fauvel ne devait plus être inquiétée. Mais comment le prouver, le démontrer à Madeleine ?

La connaissance exacte de toutes les circonstances de l’ignoble et criminelle intrigue l’aurait rassurée sur ce point ; mais était-il possible de l’initier à tous les détails, avant le mariage surtout ? Évidemment non.

Alors, quelles garanties donner ?

Longtemps, Clameran étudia la question sous toutes ses faces, s’ingéniant, épuisant toutes les forces de son esprit alerte ; il ne trouvait rien, pas une transaction possible, pas un expédient.

Mais il n’était pas de ces natures hésitantes qu’un obstacle arrête des semaines entières. Quand il ne pouvait dénouer une situation, il la tranchait.