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— Le misérable ! balbutiait-il, oser m’accuser, moi !… Laisser entendre que je me suis volé… Et ce marquis de Clameran, qui semble suspecter ma bonne foi.

Alors, sans prendre attention aux impressions des deux femmes, il raconta tout ce qui s’était passé.

— Je pressentais cela hier soir, conclut-il ; voilà où mène l’inconduite.

Ce jour-là, le dévoûment de Madeleine pour sa tante fut mis à une rude épreuve.

La généreuse fille vit traîner dans la boue l’homme qu’elle aimait ; elle croyait à son innocence comme à la sienne même : elle pensait connaître ceux qui avaient ourdi le complot dont il était victime, et elle n’ouvrit pas la bouche pour le défendre.

Cependant Mme  Fauvel devinait les soupçons de sa nièce ; elle comprit que la maladie était un indice, et bien que mourante, elle eut le courage de se lever pour le déjeuner.

Ce fut un triste repas. Personne ne mangea. Les domestiques marchaient sur la pointe du pied et parlaient bas, comme dans les maisons où il est arrivé un grand malheur.

Sur les deux heures, M. Fauvel était renfermé dans son cabinet, quand un garçon de recette vint le prévenir que le marquis de Clameran demandait à lui parler.

— Quoi ! s’écria le banquier, il ose…

Mais il réfléchit et ajouta :

— Qu’on le prie de monter.

Ce nom seul de Clameran avait suffi pour réveiller les colères mal apaisées de M. Fauvel. Victime d’un vol le matin, sa caisse se trouvant vide en face d’un remboursement, il avait pu imposer silence à son ressentiment ; à cette heure, il se promettait bien, il se réjouissait de prendre sa revanche.

Mais le marquis ne voulait pas monter. Bientôt le garçon de recette reparut, annonçant que cet importun visiteur tenait, pour des raisons majeures, à parler à M. Fauvel dans ses bureaux.