On lui avait dit que Prosper aimait une de ces créatures qui fondent les patrimoines au feu de caprices étranges et pervertissent les meilleures natures. Dès lors, elle pouvait le supposer capable de tout.
Ne savait-elle pas, par expérience, où peut conduire une imprudence !…
Pourtant, elle excusait Prosper coupable, et elle s’avouait que sur elle retombait toute responsabilité.
Qui donc avait éloigné Prosper d’une maison qu’il devait considérer comme la sienne ? Qui avait brisé le fragile édifice de ses espérances et rompu ses chastes amours ? Qui l’avait précipité dans une vie de désordres où peut-être il cherchait l’oubli ?
Réfléchissant, elle ne savait quel parti prendre, se demandant si elle devait, ou non, se confier à Madeleine.
Fatalement inspirée, elle décida que le crime de Raoul resterait son secret. Comme toujours, et bien qu’elle dût tous ses malheurs aux perpétuelles fluctuations de sa volonté, aux intermittences de son énergie, elle transigea avec ce qu’elle comprenait être un impérieux devoir, s’en remettant pour une solution au temps, qui jusqu’alors l’avait trahie.
Lors donc que sur les onze heures Madeleine revint de soirée, elle ne lui dit rien et même parvint à dissimuler toute trace de souffrance, assez habilement pour éviter les questions.
Son calme ne se démentit pas lorsque rentrèrent M. Fauvel et Lucien.
Et pourtant elle venait d’être saisie de transes affreuses. L’idée pouvait venir au banquier de descendre dans ses bureaux, de vérifier la caisse ; cela lui était arrivé bien rarement, mais enfin cela lui était arrivé.
Comme par un fait exprès, le banquier, ce soir-là, ne parla que de Prosper, du chagrin qu’il éprouvait de le voir se déranger, des inquiétudes qu’il en ressentait et enfin des raisons qui, selon lui, l’éloignaient de la maison.
Par bonheur, pendant qu’il traitait fort mal son cais-