Mais il perdait son temps et ses mensonges, Mme Fauvel était hors d’état de l’entendre.
— Raoul, murmurait-elle, mon fils, tu m’as tuée !…
Sa voix avait une douceur si pénétrante, son accent exprimait si bien le plus affreux désespoir, que Raoul, remué jusqu’au fond de l’âme, eut un bon mouvement : il eut envie de restituer ce qu’il venait de voler. La pensée de Clameran l’arrêta.
Alors, voyant que Mme Fauvel restait anéantie, mourante, sur son fauteuil, tremblant de voir entrer soit M. Fauvel, soit Madeleine qui demanderaient des explications, il déposa un baiser sur le front de sa mère et s’enfuit.
Au restaurant, dans le cabinet où ils avaient dîné, Clameran, torturé par l’incertitude, attendait son complice.
Il se demandait si, au dernier moment, lui n’étant pas là, pour le soutenir, le courage ne lui aurait pas manqué. Puis, il suffit d’un caprice du hasard pour disloquer les combinaisons les mieux ajustées.
Lors donc que Raoul parut, il se dressa brusquement, pâle d’angoisse, et c’est d’une voix à peine distincte qu’il demanda :
— Eh bien ?
— C’est fini, mon oncle, grâce à toi ; je suis maintenant le dernier des misérables.
Il défit rapidement son gilet, et jetant sur la table encore tachée du vin qu’on lui avait versé pour lui monter la tête, les quatre liasses de billets de banque, il ajouta d’un ton où éclataient sa haine et son mépris :
— Sois satisfait, voici cette somme qui va coûter l’honneur et peut-être la vie à trois personnes.
Clameran ne releva pas l’injure. D’une main fiévreuse il avait saisi les billets de banque, et il les maniait comme pour se bien convaincre de la réalité du succès.
— Maintenant, disait-il, Madeleine est à moi !
Raoul se taisait, le spectacle de cette joie après les scènes de tout à l’heure, le révoltait et l’humiliait. Mais Louis se méprit sur les causes de cette tristesse.