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— Oui, parce que moi, vois-tu bien, j’arrangerai tout. Laisse-moi faire, je saurai bien trouver une explication plausible, je dirai à André que c’est moi qui a eu besoin d’argent…

Avec mille précautions, Raoul avait refermé le coffre-fort.

— Tiens, dit-il à sa mère, retirons-nous, on peut nous surprendre, un domestique peut entrer dans le salon, ne pas nous y trouver et s’étonner.

Cette cruelle indifférence, cette faculté de calcul dans un tel moment transportèrent Mme  Fauvel d’indignation. Elle se croyait encore quelque influence sur son fils, elle croyait à la puissance de ses prières et de ses larmes.

— Eh bien ! répondit-elle, tant mieux ! Qu’on nous surprenne, et je serai contente. Alors tout sera fini, André me chassera comme une misérable, mais je ne sacrifierai pas des innocents. C’est Prosper qu’on accusera demain ; Clameran lui a pris la femme qu’il aimait, tu prétends, toi, lui voler son honneur, je ne veux plus.

Elle parlait très-haut, d’une voix si éclatante, que Raoul eut peur. Il savait qu’un garçon de bureau passait la nuit dans la pièce voisine. Ce garçon, bien qu’il ne fût pas tard, pouvait fort bien être couché et tout entendre.

— Remontons ! dit-il en saisissant Mme  Fauvel par le bras.

Mais elle se débattit ; elle s’était accrochée à une table pour mieux résister.

— J’ai déjà été assez lâche pour sacrifier Madeleine, répétait-elle, je ne sacrifierai pas Prosper.

Raoul comprit qu’un argument victorieux briserait seul la résolution de Mme  Fauvel.

— Eh ! fit-il avec un rire cynique, tu ne comprends donc pas que je suis d’accord avec Prosper et qu’il m’attend pour partager.

— C’est impossible !…

— Allons, bon ! tu t’imagines alors que le hasard seul m’a soufflé le mot et a rempli la caisse ?