— Non, mais on peut essayer.
— Ne sais-tu pas qu’il n’y a jamais d’argent en caisse ?
— Essayons toujours. Si j’ouvre, par miracle, s’il y a de l’argent en caisse, c’est que Dieu aura eu pitié de nous.
— Et si tu ne réussis pas ? Me jures-tu d’attendre jusqu’à demain ?
— Sur la mémoire de mon père, je le jure.
Alors, voici la clé, viens.
Pâles et tremblants, Raoul et Mme Fauvel traversèrent le cabinet du banquier, et s’engagèrent dans l’étroit escalier tournant qui met en communication les appartements et les bureaux.
Raoul marchait le premier, tenant la lumière, serrant entre ses doigts crispés la clé de la caisse.
En ce moment, Mme Fauvel était convaincue que la tentative de Raoul serait inutile.
Pendant quelques secondes d’hésitation, au moment de descendre, elle avait eu le temps de réfléchir. Connaissant le système de fermeture de la caisse, elle savait que la serrure était la moindre des sûretés et que la clé ne devait servir de rien à qui ne connaissait pas le mot. Or, il lui paraissait impossible que Raoul sût ce mot qu’elle-même ignorait. Où et comment l’aurait-il surpris ?
Admettant cependant qu’il pût ouvrir, que le hasard, qui a des jeux plus surprenants encore, lui livrât la combinaison, elle était certaine, étant au fait des usages de la maison, qu’il ne se trouvait pas, qu’il ne pouvait se trouver beaucoup d’argent en caisse, parce que les fonds étaient toujours déposés à la Banque.
Elle était donc presque rassurée sur les suites de cette révoltante entreprise, et elle ne redoutait guère que le désespoir de Raoul après un échec.
Si elle prêtait les mains à une action dont la pensée lui paraissait affreuse, si elle avait livré la clé, c’est qu’elle se fiait à la parole de Raoul, et qu’elle voulait surtout gagner du temps.