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geur colora ses joues pâles. Il se leva, et frappant du poing sur la table, il s’écria :

— Marchons.

Mais il n’avait pas fait cinquante pas sur le boulevard, que l’énergie factice de l’alcool l’abandonna.

Il allait au bras de Clameran, chancelant comme un ivrogne, plus affaissé que le condamné qui marche au supplice.

— Pourvu qu’il entre ! pensait Louis, qui connaissait Raoul pour l’avoir étudié comme l’intérêt sait le faire ; une fois entré, son rôle le portera et l’entraînera, et tout ira bien.

Et tout en marchant, il disait :

— Souviens-toi bien de ce dont nous sommes convenus, soigne ton entrée, tout est là ! As-tu ton pistolet dans ta poche ?

— Oui, oui, laisse-moi…

Bien en prit à Clameran d’avoir accompagné Raoul, car en arrivant devant la porte de M. Fauvel, il fut pris d’une nouvelle défaillance.

— Une pauvre femme !… s’écria-t-il, un malheureux garçon dont hier encore je serrais la main, perdus, égorgés !… Ah ! c’est lâche, c’est trop lâche.

— Allons ! fit Clameran d’un ton de mépris, je m’étais trompé sur ton compte, quand on n’a pas plus d’estomac, on devrait bien rester honnête !

Mais Raoul venait enfin de triompher de tous ses instincts révoltés. Il courut à la porte et sonna. On ouvrit.

— Ma tante est là ? demanda-t-il à un valet de pied.

— Madame est seule dans le petit salon près de sa chambre, répondit le domestique.

Raoul monta.