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pas même celui du bagne. Il était certain que M. Fauvel, s’il venait à tout apprendre, ferait l’impossible pour cacher cette déshonorante histoire.

Puis, chose étrange, dont il s’étonnait lui-même, qu’il se gardait bien d’avouer à Clameran, il avait été sensibles aux caresses de Mme Fauvel, et il se sentait attiré vers elle par une sincère affection. Il avait été heureux au Vésinet, lorsque son complice, son maître plutôt, était à Oloron. Il eût aimé à devenir honnête, sans peines et sans efforts, ne comprenant pas un crime quand on a de quoi bien vivre, largement. Il en voulait mortellement à Clameran, qui, pour la satisfaction d’une passion égoïste, abusait de son pouvoir, et certainement il l’eût trahi, s’il eût su comment le trahir sans se perdre à coup sûr.

C’est dire que sa résolution, si ferme d’abord, allait faiblissant d’heure en heure, à mesure qu’approchait l’instant décisif.

Et cependant, Louis ne le quittait pas, Louis faisait miroiter à ses yeux les splendeurs d’un avenir de luxe, de plaisir, de vanités satisfaites. Clameran l’entourait, l’obsédait, l’étourdissait, lui remontait le moral, où, pour parler son style, il le chauffait.

Il avait préparé toute la scène entre Mme Fauvel, et il la faisait répéter à son complice avec autant de sang-froid que s’il se fût agi d’une fiction théâtrale, s’efforçant, disait-il, de le bien pénétrer de l’esprit du rôle qu’il devait jouer, rôle très-propre, selon lui, à sauver ce que la situation avait de révoltant et de trop odieusement brutal.

Mais si fort que criât Louis, si haut qu’il fît sonner ce chiffre éblouissant : 500,000 fr. !!! la conscience de Raoul parlait plus haut et plus fort.

Si bien que le lundi soir, vers les six heures, Raoul était sans forces et sans courage, et qu’il se demandait si, même le voulant, il pourrait obéir.

— Aurais-tu peur ? interrogea Clameran, qui avait suivi avec anxiété toutes ses luttes intérieures.