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— Le délai est bien court, mon oncle, objecta Raoul, vous avez des conventions, tu dois prévenir en cas de retrait de ton argent.

— C’est vrai ; mais notre banquier est orgueilleux, je me dirai pressé et il s’exécutera, dût-il pour cela se gêner. Ce sera à toi, ensuite, de demander à Prosper, comme un service personnel, de tenir la somme prête à l’ouverture des bureaux.

Raoul, une fois encore, examinait la situation, cherchant s’il ne découvrirait pas ce grain de sable qui devient montagne au dernier moment.

— Je reçois Prosper et Gypsy ce soir, au Vésinet, répondit-il enfin ; mais je ne puis rien lui demander sans connaître la réponse du banquier. Dès que tu l’auras, expédie-moi ton domestique Manuel avec un mot.

— Je ne t’enverrai pas Manuel, répondit Louis, par la raison qu’il m’a quitté, mais tu auras un commissionnaire.

Louis disait vrai. S’il avait insisté pour garder Manuel à son service, c’est qu’en homme prudent il tenait essentiellement à ne pas laisser à Oloron un ancien domestique de Gaston connaissant sa vie, qui aurait pu jaser et laisser peut-être échapper quelque propos compromettant.

Il l’avait dépaysé. Puis, gêné par la loyauté de ce serviteur, qui avait partagé les périls et la fortune du plus honnête des maîtres, il lui avait tout doucement donné l’idée d’aller finir ses jours en paix dans son pays.

De telle sorte que, la veille, Manuel était parti pour Arenys-de-Mar, un petit port de la Catalogne, où il était né, et Louis de Clameran cherchait un domestique.

C’est en se disant : « À demain » et, « bon espoir, » que Louis et Raoul se quittèrent après avoir déjeuné ensemble.

Clameran était si joyeux qu’il oubliait l’abîme de boue qui le séparait du succès. Raoul, plus calme, était cependant résolu. L’abominable action qu’il allait commettre