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Prosper, lui, était allé s’asseoir à la place et devant le pupitre d’un des employés absent pour le moment. Les autres brûlaient de connaître le résultat de l’enquête sommaire, la plus ardente curiosité brillait dans leurs yeux, pourtant ils n’osaient interroger.

N’y tenant plus, le petit Cavaillon, le défenseur du caissier, se risqua :

— Eh bien ! hasarda-t-il.

Prosper haussa les épaules.

— On ne sait pas, répondit-il.

Était-ce conscience de son innocence, certitude de l’impunité, insouciance du résultat ? Les employés remarquaient, non sans une stupéfaction profonde, que le caissier avait repris son attitude accoutumée, cette sorte de hauteur glaciale qui tient les gens à distance et qui lui avait fait tant d’ennemis dans la maison.

De son émotion, si grande tout à l’heure qu’il faisait pitié à voir, il n’avait gardé d’autres traces qu’une pâleur plus grande, un cercle plus brun autour de ses yeux rougis et le désordre de ses cheveux encore humides de la sueur froide de l’épouvante.

Jamais un étranger, entrant, n’aurait supposé que ce jeune homme, qui était là, assis, jouant machinalement avec un crayon, était sous le coup d’une accusation de vol et allait être arrêté.

Bientôt, cependant, il cessa de remuer le crayon qu’il tenait ; il attira à lui une feuille de papier et y traça en hâte quelques lignes.

— Eh ! eh ! pensa Fanferlot, dit l’Écureuil, dont l’ouïe et la vue fonctionnaient à miracle, malgré son profond sommeil, eh ! eh ! on fait ses petites confidences au papier ; nous allons donc enfin savoir quelque chose de positif.

Sa courte lettre écrite, Prosper la plia soigneusement, la réduisant au moindre volume possible, et, après un regard furtif donné à l’agent de la sûreté, toujours immobile dans son coin, il la jeta au petit Cavaillon avec ce seul mot :