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Ils attendaient en effet, et à la grande surprise de Mme Fauvel, Raoul redevint, pour elle, ce qu’il avait été en l’absence de Clameran. À sa veine de prodigalité, une veine de parcimonie succédait ; il avait entièrement rompu avec les Délassements. Même, sous prétexte d’économie, il ne voulut pas quitter sa maison du Vésinet, si désagréable pendant l’hiver. Il voulait, prétendait-il, expier ses erreurs dans cette solitude. La vérité est qu’en continuant d’y demeurer il assurait sa liberté et se mettait à l’abri des visites de sa mère.

C’est vers cette époque, à peu près, que Mme Fauvel, toute réjouie de ce changement, conçut le projet de placer Raoul dans les bureaux de son mari.

M. Fauvel adopta cette idée. Il avait ouï parler des dissipations de Raoul, et, à plusieurs reprises, il lui avait prêté d’assez fortes sommes. Persuadé qu’un jeune homme sans occupations ne peut faire que des sottises, il lui offrit un pupitre au bureau de la correspondance, avec des appointements de 500 francs par mois.

Cette proposition enchanta Raoul, cependant, sur l’ordre formel de Clameran, il refusa net, disant, qu’il ne se sentait pour les opérations de banque aucune vocation.

Ce refus indisposa si fort le banquier, qu’il adressa à Raoul quelques reproches passablement amers, le prévenant qu’il n’eut plus à compter sur lui désormais, et Raoul saisit ce prétexte pour cesser ostensiblement ses visites.

S’il voyait encore sa mère, c’était dans l’après-midi, ou le soir, lorsqu’il était sûr que M. Fauvel était sorti, et il ne venait que tout juste assez souvent pour se tenir au courant des affaires de la maison.

Ce repos subit après tant et de si cruelles agitations paraissait sinistre à Madeleine. Plus que jamais elle était certaine qu’il fallait attribuer à un plan mûrement réfléchi toutes ces variations. Elle comprenait que ce calme, menaçant comme celui qui précède l’orage, était le précurseur de quelque dernier et terrible assaut. Elle ne disait rien à sa tante de ses pressentiments, mais elle était préparée à tout.