Elle hésita avant de parler à sa nièce de ce projet, redoutant une vive opposition.
À sa grande surprise, Madeleine l’approuva.
C’est que le malheur, ce maître merveilleux, avait éveillé et développé le sens divinatoire de Madeleine.
Réfléchissant aux événements passés, comparant et étudiant toutes les circonstances, elle n’était pas fort éloignée de soupçonner que Raoul n’était que l’instrument de son oncle.
Jugeant fort raisonnablement, elle se disait qu’il n’était pas possible que Raoul, un garçon sensé, abusât comme il le faisait, au risque de tout perdre, sans des motifs secrets. Elle en concluait que la persécution était beaucoup plus feinte que réelle.
Sa conviction, à cet égard, était si forte, que s’il ne se fût agi que d’elle seule, elle eût résisté énergiquement, certaine que les menaces d’éclat ne se réaliseraient pas.
Se rappelant, non sans frissonner, certains regards que lui avait adressés Clameran, elle arrivait presque à la vérité. Elle pressentait que toutes ces menées n’avaient qu’un but : forcer sa tante à la jeter dans les bras du marquis.
Résolue au sacrifice, en dépit des répugnances de son esprit et des révoltes de tout son être, elle souhaitait presque qu’il s’accomplît ce sacrifice, tout lui paraissait préférable à l’intolérable existence que lui faisait Raoul.
— Plus tôt tu verras M. de Clameran, dit-elle à sa tante, mieux cela vaudra.
En conséquence, le surlendemain même, Mme Fauvel arrivait à l’hôtel du Louvre, chez le marquis, prévenu à l’avance par un billet.
Il la reçut avec une politesse froide et étudiée, en homme qui a été méconnu et qui, affligé et blessé, se tient sur la réserve.
Il parut indigné de la conduite de son neveu, et même, à un moment, il laissa échapper un juron, disant qu’il aurait raison de ce drôle.