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bien souvent de ces drôles odieux, qu’on voit oisifs, qui, sans qu’on leur connaisse un sou de revenu, dépensent beaucoup d’argent, et dont on dit :

— De quoi vivent-ils ?

C’est que les victimes ignorent combien il est aisé de se débarrasser de leurs tyrans. La police, elle aussi, sait lorsqu’il le faut garder les secrets. Une visite rue de Jérusalem, une confidence à un chef de bureau aussi discret qu’un confessionnal, et le tour est fait, sans bruit, sans éclat, sans que rien en transpire. Il y a des traquenards à « maîtres chanteurs[1] ».


Mme Fauvel, pour se défendre des misérables qui s’acharnaient après elle, n’avait que ses prières et ses larmes ; c’était peu.

Seulement, ces révoltantes extorsions amenaient parfois de telles crises, que Raoul ému, bouleversé, était pris, pour lui-même, d’horreur et de dégoût.

— Le cœur me manque, disait-il à son oncle, je suis à bout. Volons à main armée, je le veux bien ; mais égorger deux malheureuses que j’aime, c’est plus fort que moi !

Clameran ne semblait nullement s’étonner de ces répugnances.

— C’est triste, répondait-il, je le sais bien, mais nécessité n’a pas de loi. Allons, un peu d’énergie et de patience, nous touchons au but.

Ils en étaient plus proches que ne le supposait Clameran. Vers la fin du mois de novembre, Mme Fauvel se sentit si bien à la veille d’une catastrophe, que l’idée lui vint de s’adresser au marquis.

Elle ne l’avait pas revu depuis qu’à son retour d’Oloron, il était venu lui annoncer son héritage. Persuadée, à cette époque, qu’il était le mauvais génie de Raoul, elle l’avait assez mal reçu pour lui donner le droit de ne plus se représenter.

  1. Voir les Esclaves de Paris.