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mes, l’esprit et la beauté de Mlle Madeleine, et… je l’aime. N’eût-elle pas un sou, qu’avec plus d’instances encore, je vous demanderais sa main, à genoux. Il a été décidé qu’elle serait ma femme, permettez-moi d’insister sur ce seul article de nos conventions. Mon silence est à ce prix. Et pour vous prouver que sa dot ne compte pas pour moi, je vous donne ma parole d’honneur que, le lendemain de mon mariage, je remettrai à Raoul une inscription de 25,000 livres de rentes. »

Louis s’exprimait avec un tel accent, d’une voix si entraînante, que Raoul, artiste en fourberie, avant tout, fut émerveillé.

— Splendide ! s’écria-t-il, cette dernière phrase peut creuser un abîme entre Mme Fauvel et sa nièce. Cette assurance d’une fortune pour moi peut mettre ma mère de notre côté.

— Je l’espère, reprit Louis d’un ton de fausse modestie, et j’ai d’autant plus de raison de l’espérer que je fournirai à la chère dame d’excellents arguments pour s’excuser à ses propres yeux. Car vois-tu bien, quand on propose à une honnête personne quelque petite, comment dirai-je ?…, transaction, on doit offrir en même temps des justifications pour mettre la conscience en repos. Le diable ne procède pas autrement. Je prouverai à Mme Fauvel et à sa nièce que Prosper les a indignement abusées. Je montrerai ce garçon criblé de dettes, perdu de débauches, jouant, soupant et, pour tout dire, vivant publiquement avec une femme perdue…

— Et jolie, par-dessus le marché, n’oublie pas qu’elle est ravissante la senora Gypsy ; dis qu’elle est adorable, ce sera le comble.

— Ne crains rien, je serai éloquent et moral autant que le ministère public lui-même. Puis, je ferai entendre à Mme Fauvel que si vraiment elle aime sa nièce, elle doit souhaiter lui voir épouser non ce petit caissier, un subalterne sans le sou, mais un homme important, un grand industriel, l’héritier d’un des beaux noms de