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Raoul triomphait donc lorsque Louis arriva d’Oloron, ayant eu le temps de combiner et de mûrir un plan de conduite.

Bien que très-riche maintenant, il était résolu à ne rien changer, en apparence du moins, et quant à présent, à son genre de vie. C’est à l’hôtel du Louvre qu’il s’installa, comme par le passé.

Sa seule dépense nouvelle fut une voiture, que conduisait l’ancien domestique de Gaston, Manuel, qui avait consenti à rester à son service, bien qu’un legs de son maître l’eût, sinon enrichi, au moins mis bien au-dessus du besoin.

Le rêve de Louis, le but de son ambition et de tous ses efforts, étaient de prendre rang parmi les grands industriels de France.

Il faisait sonner très-haut, bien plus haut que son titre de marquis, sa qualité de maître de forges.

C’est qu’il en avait tant coudoyé en sa vie aventureuse, de barons de table d’hôte, de ducs de tapis vert, qu’il avait fini par ne plus croire au prestige de la noblesse. Comment en cela discerner le faux du vrai ? Il se disait que ce qu’il est si facile de prendre n’a pas grande valeur.

Pour l’avoir expérimenté à ses dépens, il savait que notre siècle peu romanesque n’attache de prix à des armoiries qu’autant que leur possesseur les peut étaler sur une belle voiture.

On est très-bien marquis sans marquisat, on n’est maître de forges qu’à la condition d’avoir une forge.

Louis, maintenant, avait soif de considération, Toutes les humiliations de son existence, mal digérées, lui pesaient sur l’estomac.

Il avait tant pâti, il avait enduré tant de mépris, ses joues avaient rougi sous tant de soufflets, qu’il brûlait du désir de se venger. Après la plus ignominieuse des jeunesses, il voulait une vieillesse honorée.

Son passé l’inquiétait peu. Il connaissait le monde assez pour savoir que le bruit des roues de sa voiture