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Cette réponse, qui tardait, le préoccupait si fort, qu’il écrivit de nouveau, en termes pressants, demandant un mot par le retour du courrier.

Cette seconde lettre, Lafourcade ne la reçut jamais.

Ce soir-là même, Gaston recommença à se plaindre. Les deux ou trois jours de mieux n’étaient qu’une halte de la maladie. Elle reprit avec une énergie et une violence inouïes, et pour la première fois, le docteur C… laissa voir des inquiétudes.

De ce moment, en effet, on put prévoir une terminaison fatale. Si les souffrances de Gaston semblaient diminuer, s’il se plaignait moins, c’est que les forces diminuaient et que l’anéantissement venait. D’heure en heure les battements du cœur se ralentissaient et les extrémités devenaient froides.

Enfin, le quatorzième jour de sa maladie, au matin, Gaston, qui était resté toute la nuit plongé dans l’assoupissement le plus inquiétant, parut se ranimer.

Il envoya chercher un prêtre et resta seul avec lui une demi-heure environ, déclarant qu’il mourait en chrétien comme ses ancêtres.

Puis il fit ouvrir toutes grandes les portes de sa chambre et donna ordre qu’on fît entrer ses ouvriers. Il leur adressa ses adieux et leur dit qu’il s’était occupé de leur sort.

Quand ils se furent retirés, il fit promettre à son frère de conserver l’usine, l’embrassa une dernière fois, et retombant sur ses oreillers, il entra en agonie.

Comme midi sonnait, sans secousses, sans convulsions, il expira.

Désormais Louis était bien marquis de Clameran, et il était millionnaire.

Quinze jours plus tard, cependant, Louis ayant arrangé toutes ses affaires et s’étant entendu avec l’ingénieur qui conduisait l’usine, prenait le chemin de fer.

La veille, il avait adressé à Raoul ce télégramme significatif : « J’arrive. »