Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/384

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de dix jours, il avait vieilli de dix ans. Le mal, sur les organisations puissantes, comme celle de Gaston, ayant plus de prise, les brise en moins de rien.

Lui qui, quinze jours plus tôt, paraissait dans l’épanouissement de la maturité et de la force, il était plus faible qu’un enfant, voûté comme un vieillard. C’est à peine si ses jambes pouvaient porter le poids de son corps amaigri. Bien qu’on fût en été, bien qu’il fît très-chaud, il grelottait au soleil en plein midi.

Appuyé au bras de son frère, il traversa la prairie pour aller donner un coup d’œil à l’usine, et, s’étant assis non loin d’un fourneau en activité, il déclara qu’il s’y trouvait bien et qu’il renaissait à cette chaleur intense.

Il ne souffrait pas, il se sentait la tête dégagée, il respirait librement, ses pressentiments se dissipaient.

— Je suis bâti à chaux et à sable, disait-il aux ouvriers qui l’entouraient, je suis capable de m’en tirer.

Des gens d’Oloron qui étaient venus lui rendre visite, avaient hasardé cette idée que peut-être sa maladie venait du changement de climat, et il n’était pas fort éloigné de le croire.

— Les vieux arbres dépérissent quand on les transplante, répétait-il, je ferai bien si je veux vivre longtemps de retourner à Rio.

Quelle espérance pour Louis, et avec quelle ardeur il s’y accrocha !

— Oui, répondit-il, tu ferais bien, très-bien même ; je t’accompagnerais. Un voyage au Brésil avec toi serait pour moi une partie de plaisir.

Mais quoi ! Projets de malades, projets d’enfants ! Le lendemain, Gaston avait bien d’autres idées.

Il affirmait que jamais il ne saurait se résoudre à quitter la France. Il se proposait, sitôt guéri, de visiter Paris. Il y consulterait des médecins, il y retrouverait Valentine.

À mesure que sa maladie se prolongeait, il s’inquiétait d’elle davantage, et il s’étonnait de ne pas recevoir de lettre de Beaucaire.