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son amour-propre d’homme habile et humilié par un enfant.

Si bien que, tout en regagnant la maison de son frère, Louis jurait de se venger et se promettait bien que tôt ou tard dès qu’il n’aurait plus besoin de Raoul, il saurait faire naître et saisirait l’occasion de le perdre.

Mais, pour le moment, il redoutait si fort ce jeune complice, que, fidèle à sa parole, il lui écrivit longuement le lendemain et les jours suivants. Et, bien plus, comprenant combien il importait de lui rendre sa confiance, fortement ébranlée, il lui écrivit avec un laisser-aller inexplicable autrement chez un homme si prudent. La situation, d’ailleurs, restait absolument la même. Le nuage noir restait menaçant à l’horizon, mais il ne grandissait pas.

Gaston ne semblait plus se souvenir qu’il avait écrit à Beaucaire, et il ne prononça pas une seule fois le nom de Valentine.

Comme tous les hommes qui, ayant beaucoup travaillé en leur vie, ont besoin tout à la fois du mouvement du corps et de l’activité, Gaston se passionnait pour sa nouvelle entreprise.

L’usine semblait l’absorber entièrement.

Elle perdait de l’argent lorsqu’il l’avait achetée et il s’était juré qu’il en ferait une exploitation fructueuse pour lui et pour le pays.

Il s’était attaché un jeune ingénieur, intelligent et hardi, et déjà, grâce à de rapides améliorations, grâce à divers changements de méthodes, ils en étaient arrivés à équilibrer la dépense et le produit.

— Nous ferons nos frais cette année, disait joyeusement Gaston, mais l’année prochaine, nous gagnerons vingt-cinq mille francs.

L’année prochaine ! Hélas !…

Cinq jours après le départ de Raoul, un samedi, dans l’après-midi, Gaston se trouva subitement indisposé.

Il venait d’être pris d’éblouissements et de vertiges tels que rester debout lui était complètement impossible.