— Et tu m’obéiras ?
— Aveuglément.
Il fallait que Raoul se crût bien certain d’avoir pénétré le projet de son complice, car il ne l’interrogea pas. Peut-être n’osa-t-il pas le questionner. Peut-être préféra-t-il encore le doute à une certitude affreuse comme s’il eût dû ainsi éviter les remords de la complicité morale.
— D’abord, reprit Louis, tu vas regagner Paris.
— J’y serai après-demain matin.
— Plus que jamais tu seras assidu près de Mme Fauvel ; il ne faut pas qu’il puisse rien arriver dans la maison sans que tu sois prévenu.
— C’est entendu.
Louis posa sa main sur l’épaule de Raoul comme pour bien appeler son attention sur ce qu’il allait dire.
— Tu as un moyen, poursuivit-il, de reconquérir toute la confiance de ta mère, c’est de rejeter sur moi tous tes torts passés. Ne manque pas de l’employer. Plus tu me rendras odieux à Mme Fauvel et à Madeleine, mieux tu me serviras. Si on pouvait, à mon retour, me fermer la porte de la maison, je serais ravi. Pour ce qui est de nous deux, nous devons, en apparence, être brouillés à mort. Si tu continues de me voir, c’est que tu ne peux faire autrement. Voilà le thème, à toi de le développer.
C’est de l’air le plus surpris du monde que Raoul recevait ces instructions, au moins singulières.
— Quoi ! s’écria-t-il, tu adores Madeleine et c’est ainsi que tu cherches à lui plaire ? Drôle de façon de faire sa cour. Je veux être pendu si je comprends…
— Tu n’as pas besoin de comprendre.
— Bien ! fit Raoul, du ton le plus soumis, très-bien.
Mais Louis se ravisa, se disant que, celui-là seul exécute bien une mission qui en soupçonne au moins la portée.
— As-tu ouï parler, demanda-t-il à Raoul, de cet homme qui, pour avoir le droit de serrer entre ses bras la femme aimée, fit mettre le feu à sa maison ?
— Oui, après ?