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ver, — judiciairement parlant, — que j’ai quitté ma maison du Vésinet. J’ai poussé les précautions si loin que j’ai voyagé en troisièmes, et on y est terriblement mal. Allons, adieu ! je regagne mon auberge.

Il s’éloigna sur ces mots sans paraître se douter qu’il venait d’éveiller dans le cœur de son complice bien des soupçons.

Pendant le cours de sa vie aventureuse, Clameran avait assez organisé « d’affaires » pour savoir au juste quelle somme de confiance on doit accorder à des complices tels que Raoul.

Les coquins ont leur probité à eux, c’est connu, d’aucuns la mettent bien au-dessus de celle des honnêtes gens, mais cette probité n’est jamais, après « le coup, » ce qu’elle était avant. C’est au moment du partage que les difficultés surgissent.

L’esprit défiant de Clameran entrevoyait déjà mille sujets de craintes et de querelles.

— Pourquoi, se demandait-il, Raoul s’est-il si soigneusement caché pour venir ici ? Pourquoi cet alibi à Paris ? Me tendrait-il un piége ? Je le tiens, c’est vrai ; mais, de mon côté, je suis absolument à sa merci. Toutes ces lettres que je lui écris, depuis que je suis chez Gaston, sont autant de preuves contre moi ! Songerait-il à se révolter, à se débarrasser de moi, à recueillir seul les profits de notre entreprise ?

Cette nuit encore, Louis ne ferma pas l’œil ; mais au matin sa résolution était prise, et c’est avec une fébrile impatience qu’il attendit le soir.

Si puissant était son désir d’en finir, si vive était la tension de sa pensée, qu’il ne put réussir à être ce jour-là ce qu’il était les autres jours.

À plusieurs reprises, son frère, le voyant sombre et préoccupé, lui demanda :

— Qu’as-tu ? es-tu souffrant ? Me cacherais-tu quelque inquiétude ?

Enfin, le soir vint, et Louis put rejoindre Raoul, qu’il