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Il était temps, le commissaire de police et M. Fauvel rentraient. Ils avaient visité le salon d’attente, examiné le grand escalier et ils n’avaient pu rien entendre de ce qui se passait dans le cabinet.

Mais Fanferlot avait entendu pour eux.

Ce limier excellent n’avait pas perdu le caissier de vue. Il s’était dit : « Il va se croire seul, son visage parlera, je surprendrai un sourire, un clignement d’yeux qui m’éclaireront. »

Laissant donc M. Fauvel et le commissaire à leurs recherches, il s’était mis en observation. Il avait vu la porte s’ouvrir et Madeleine entrer, il n’avait perdu ni un geste ni un mot de la scène rapide qui venait d’avoir lieu entre Prosper et la jeune fille.

Ce n’était rien, il est vrai, que cette scène, chaque phrase laissait deviner une réticence ; mais M. Fanferlot est assez habile pour compléter tous les sous-entendus.

Il n’avait encore qu’un soupçon ; mais c’était un soupçon, quelque chose, une hypothèse, un point de départ.

Même il lui semblait, tant il est prompt à bâtir tout un plan sur le moindre incident, que dans le passé de ces gens qu’il ne connaissait pas, il entrevoyait un drame.

C’est que si le commissaire de police est un sceptique, l’agent de la sûreté a la foi : il croit au mal.

— Voici, pensait-il, ce qui est : le jeune homme aime cette jeune fille, qui est, ma foi ! fort jolie, et comme de son côté il est très-bien, il en est aimé. Ces amours ont contrarié le banquier, je comprends cela, et ne sachant comment se débarrasser honnêtement de cet amoureux importun, il a imaginé cette accusation de vol qui est assez ingénieuse.

Ainsi, dans la pensée de M. Fanferlot, le banquier s’était simplement volé lui-même, et le caissier, innocent, était victime de la plus odieuse machination.

Mais cette conviction de l’agent de la sûreté ne devait guère, pour le moment du moins, servir Prosper.

Fanferlot, l’ambitieux, l’homme qui veut arriver, qui