— Tiens, reprit Raoul, laissons là les enfantillages, cher oncle. Si je suis venu, c’est que je te connais ; c’est que j’ai en toi juste la confiance que j’y dois avoir. S’il te paraissait avantageux de me perdre, tu n’aurais pas une seconde d’hésitation. En cas de danger, tu te sauverais seul et tu laisserais ton neveu chéri se débrouiller à sa guise. Oh ! ne proteste pas, c’est tout naturel, et à ta place j’en ferais autant. Seulement, note bien ceci, je ne suis pas de ceux qu’on joue impunément… Et sur ce, laissons là les récriminations inutiles et mets-moi au fait…
Avec un tel complice, il fallait compter, Louis le comprit. Loin de se révolter, il raconta brièvement et clairement les événements survenus depuis qu’il était près de son frère.
Il fut presque franc sur tous les points, sauf cependant en ce qui concerne la fortune de son frère, dont il diminua l’importance autant que possible.
Quand il eut terminé :
— Eh bien ! fit Raoul, nous sommes dans de beaux draps. Et tu espères t’en tirer, toi ?
— Oui, si tu ne me trahis pas.
— Je n’ai encore jamais trahi personne, entends-tu, marquis. Seulement, comment t’y prendras-tu ?
— Je ne sais, mais je sens que je trouverai un expédient. Oh ! je le trouverai, il le faut. Tu peux, tu le vois, repartir tranquille. Tu ne cours aucun risque à Paris, tant que moi, ici, je surveillerai Gaston.
Raoul réfléchissait.
— Aucun risque, fit-il ; en es-tu bien sûr ?
— Parbleu ! Nous tenons trop bien Mme Fauvel, pour que jamais elle ose élever la voix contre nous. Elle saurait la vérité, la vraie, celle que toi et moi savons seuls, qu’elle se tairait encore, trop heureuse d’échapper au châtiment de sa faute passée, au blâme du monde, au ressentiment de son mari.
— C’est vrai, répondit Raoul, devenu sérieux, nous tenons ma mère, aussi n’est-ce pas elle que je redoute.