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doublement de l’esprit et de la bête, que de temps à autre, sans se soucier de l’à-propos, il laissait échapper une exclamation, un mot d’assentiment, qui, pour Gaston, devaient être une réponse.

Il disait :

— Oui. En effet. Vraiment ! Peut-être.

Mais sans avoir conscience de ce qu’il disait.

Pendant que la nécessité, — nécessité absolue, — le clouait là, près de Gaston, sa pensée s’élancait à la suite de ce jeune homme qui venait de passer près d’eux.

Comment Raoul se trouvait-il à Oloron ? Qu’y venait-il faire ? Pourquoi se cachait-il sous un bourgeron d’ouvrier ?

Depuis qu’il était à Oloron, Louis avait écrit presque tous les jours à Raoul, et il n’en avait pas reçu de réponse.

Ce silence que tout d’abord il avait trouvé naturel, il le jugeait maintenant extraordinaire, inexplicable.

Était-il donc survenu à Paris quelque événement imprévu ? Une maille du filet dont il avait enveloppé madame Fauvel s’était-elle rompue ? Raoul avait-il été contraint de fuir, et venait-il lui annoncer que définitivement la partie était perdue ?

Puis, il se demandait encore s’il n’avait pas été abusé par une ressemblance extraordinaire. Était-ce bien son complice qu’il venait de rencontrer ?

Et ne pouvoir s’élancer sur les traces de cet homme, ne pouvoir l’interroger ! Son supplice, le supplice de l’incertitude, allait grandissant de minute en minute, jusqu’à devenir intolérable.

Heureusement Gaston se sentait fatigué ce soir-là. Il parla de rentrer bien plus tôt que d’habitude, et, dès qu’il fut de retour à la maison, il regagna son appartement.

Louis était libre, enfin !…

Il alluma un cigare et sortit, disant au domestique de ne pas l’attendre.