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Paris lorsque tu retourneras y arranger tes affaires avant ton établissement ici.

À cette annonce inattendue d’un projet dont la réalisation devait le perdre, Louis eut la force de rester impassible. Il sentait le regard de son frère arrêté sur lui.

— Tu viendras à Paris, fit-il, toi ?

— Certainement, qu’y a-t-il là d’extraordinaire ?

— Rien.

— Je déteste Paris et je le déteste sans y jamais être allé, ce qui est plus fort ; mais j’y suis appelé par des intérêts, par — il hésitait — des devoirs sérieux… Enfin, Mlle de La Verberie habite Paris, m’a-t-on dit, et je veux la revoir.

— Ah !…

Gaston réfléchissait ; il était ému, et son émotion était visible.

— À toi, Louis, reprit-il, je puis dire pourquoi je veux la revoir. Je lui ai autrefois confié les parures de notre mère.

— Et tu veux, après vingt-trois ans, lui réclamer ce dépôt ?

— Oui… ou plutôt, tiens, non ; ce n’est là qu’un vain prétexte dont j’essaye de me payer moi-même. Je veux la revoir, parce que… parce que… je l’ai aimée, voilà la vérité.

— Mais comment la retrouver ?

— Oh ! c’est bien simple. Le premier venu, dans le pays, me dira le nom de son mari, et quand je saurai ce nom… Tiens, dès demain, j’écrirai à Beaucaire.

Louis ne répondit pas.

Lorsque les hommes de sa trempe se trouvent tout à coup en face d’une situation imprévue, constituant un péril sérieux, autant que possible, ils se taisent. Ils savent l’influence que peut avoir un conseil en apparence insignifiant, et ils évitent de prononcer un mot, avant d’en avoir calculé la portée et bien pesé les conséquences.

Avant tout, Louis se gardait de discuter les projets de son frère.