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finie. Gaston voulait savoir tout ce qui était arrivé après son départ.

— Et Clameran ? demanda-t-il quand Louis eut fini.

Louis hésita un moment. Devait-il ou non dire la vérité ?

— J’ai vendu Clameran, dit-il enfin.

— Même le château ?

— Oui.

— Je comprends cela, murmurait Gaston, quoique moi, à ta place… là ont vécu nos ancêtres, là est mort notre père…

Mais voyant qu’il attristait son frère :

— Bast ! c’est dans le cœur que vit le souvenir, et non au milieu de vieilles pierres. Tel que tu me vois, je n’ai pas osé retourner en Provence. J’ai eu peur de trop souffrir en revoyant, en face de Clameran, le parc de La Verberie… Hélas ! j’ai eu là les seuls beaux jours de ma vie.

La physionomie de Louis s’éclairait. Cette certitude que Gaston n’était pas allé en Provence chassait une de ses plus pressantes inquiétudes.

Si bien qu’à deux heures du matin, les deux frères causaient encore…

Et le lendemain, Louis trouvait un prétexte pour courir au télégraphe, et il adressait à Raoul cette dépêche :

« Sagesse et prudence. Suivre mes instructions. Tout va bien. Bon espoir. »

Tout allait bien, et cependant Louis, en dépit de ses questions habituellement calculées, n’avait obtenu aucun des renseignements qu’il était venu chercher.

Gaston si expansif, Gaston qui lui avait conté sa vie entière, en insistant sur les moindres circonstances, n’avait pas dit un mot pouvant l’éclairer.

Était-ce hasard ou calcul, préméditation savante ou simple oubli ? Louis se le demandait avec ces inquiétudes des gens pervers toujours disposés à gratifier les autres de leur perversité.

À tout prix, et fallût-il se départir de sa réserve, il ré-