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farces. Tiens ! quelle idée ! C’est toi qui me rajeunis ; il me semble que je n’ai plus que vingt ans, que je suis leste et vigoureux comme en ce temps où je traversais le Rhône à la nage. Il y a longtemps de cela, pourtant, et depuis j’ai lutté, j’ai souffert, j’ai cruellement vieilli, changé…

— Toi ! interrompit Louis, tu as moins vieilli que moi.

— Quelle plaisanterie !

— Je te le jure.

— Tu m’aurais reconnu.

— Parfaitement, tu es resté toi.

Louis disait vrai. Il paraissait, lui, usé plutôt que vieilli. Mais Gaston, en dépit de ses cheveux gris, malgré son teint qui avait pris au soleil du Brésil des tons de brique, était bien l’homme robuste dans la force de l’âge, dans la pleine maturité de sa mâle beauté.

Pendant que sur la pâle figure de Louis errait un cauteleux sourire, mal éclairé par des yeux inquiets, le regard de Gaston étincelait et la franchise éclairait son visage ouvert.

— Mais comment m’as-tu retrouvé, demandait Gaston, quelle bonne pensée, quelle fée bienveillante t’a guidé jusqu’au seuil de ma maison ?

Cette question, Louis l’avait prévue. Pendant dix-huit heures qu’il était resté en chemin de fer, il avait eu le temps de préparer ses moyens.

— C’est la Providence, répondit-il, qu’il faut remercier de notre réunion. Il y a trois jours, à mon cercle, un jeune homme qui arrive des Eaux-Bonnes me dit qu’il a ouï parler, aux Pyrénées, d’un marquis de Clameran. Tu conçois ma surprise. Je me demande quel faussaire se permet de porter notre nom. Aussitôt, je cours au chemin de fer, je prends un billet, et me voici.

— Tu ne pensais donc pas à moi ?

— Eh ! pauvre frère, il y avait vingt-trois ans que je te croyais mort.

— Mort !… moi. Ah ça ! Mlle  de La Verberie, Valen-