Ces voyages avaient au moins profité à Gaston. Il possédait tout près de 12,000 fr. d’économies lorsqu’il toucha le sol du Brésil.
La preuve que le trafic du capitaine Warth répugnait à tous ses généreux instincts, c’est qu’il le quittait juste au moment où, possédant un petit capital, il pouvait lui aussi réaliser de superbes bénéfices. Mais déjà ce n’était plus le noble et fier Gaston, si candide et si ignorant du mal, qu’avait aimé jusqu’à l’abandon de sa personne la petite fée de La Verberie.
On nie vainement l’influence délétère de certains milieux. Il est de ces contacts qui, à la longue, désorganisent les âmes le plus solidement trempées. De même que le vent, la mer, le soleil, avaient bruni d’abord, puis durci sa peau, de même la société de ses compagnons et leurs discours avaient froissé puis altéré la délicatesse de ses sentiments. Il avait au cœur quelque chose des callosités de ses mains de matelot. Il se souvenait encore de Valentine, il la voulait toujours, mais si elle était la plus aimée, elle n’était plus la seule femme.
Cependant, les trois ans fixés par lui-même pour son retour étaient passés ; mais peut-être Valentine l’avait-elle attendu ; avant de rien entreprendre, il écrivit à un de ses amis, en qui il pouvait avoir toute confiance, et qui habitait Beaucaire. Il avait soif de nouvelles de son pays, de sa famille, de ses amis.
Il écrivit aussi à son père, auquel il avait essayé, toutes les fois qu’il en avait trouvé l’occasion, de faire parvenir des lettres.
Ce n’est que l’année suivante qu’il reçut une réponse de son ami.
Du même coup, cette réponse lui apprenait que son père était mort, que son frère Louis avait quitté le pays, que Valentine était mariée, et enfin que lui, Gaston, il avait été condamné à plusieurs années de prison, pour meurtre.
Cette lettre l’atterra.
Désormais il était seul au monde, sans patrie, désho-