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compte courant. C’est donc qu’il se propose de venir à Paris.

— Je ne serai vraiment pas fâché de faire sa connaissance.

On parla d’autre chose, et bientôt Clameran parut avoir totalement oublié la communication du banquier.

Il est vrai que, tout en causant le plus gaîment du monde, il ne cessait d’observer Mme Fauvel et sa nièce.

Elles étaient bien autrement troublées que lui, et leur trouble était visible. À tout moment elles échangeaient, à la dérobée, les regards les plus significatifs.

— Évidemment une même idée, terrible, avait traversé leur esprit.

Plus que sa tante encore, Madeleine semblait émue. C’est qu’au moment où le banquier avait prononcé le nom de Gaston, elle avait vu, elle ne se trompait pas, elle avait vu Raoul reculer sa chaise et jeter un coup d’œil vers la fenêtre, comme le filou surpris qui cherche une issue pour fuir.

Et Raoul, moins fortement trempé que son oncle, était, depuis ce moment, resté décontenancé. Lui, brillant d’ordinaire, causeur original, il était complètement éteint, il se taisait, il étudiait l’attitude de Louis.

Enfin, le dîner finit, les convives se levèrent pour passer dans le salon, et Clameran et Raoul manœuvrèrent de façon à rester les derniers dans la salle à manger.

Ils étaient seuls, ils n’essayaient plus de cacher leur anxiété.

— C’est lui !… dit Raoul.

— Je le crois.

— Tout est perdu, alors ; filons.

Mais Clameran, l’audacieux aventurier, n’était pas homme à jeter ainsi, avant d’y être contraint, le manche après la cognée.

— Qui sait ! murmura-t-il, pendant que la contraction de son front disait l’effort de sa pensée, qui sait !… Pourquoi ce misérable banquier ne nous a-t-il pas dit où trouver ce Clameran de malheur ?…