plus voir sa mère que quand il avait besoin d’argent, et il lui en fallait souvent et beaucoup.
Quant au marquis, il se tint prudemment à l’écart, guettant l’heure propice, et c’est au hasard d’une rencontre, que trois semaines plus tard, il dut d’être invité à dîner chez le banquier.
C’était un grand dîner, et il y avait bien une vingtaine de convives.
On venait de servir le dessert, et les conversations s’animaient, lorsque le banquier, tout à coup, se retourna vers Clameran.
— J’avais, monsieur le marquis, dit-il, un renseignement à vous demander. Avez-vous des parents portant votre nom ?
— Pas que je connaisse, du moins, monsieur.
— C’est que moi, depuis huit jours, je connais un autre marquis de Clameran.
Si cuirassé d’impudence que fût le marquis de Clameran, si armé que fût son esprit contre toutes les surprises des évènements, il fut un instant déconcerté et pâlit.
— Oh ! oh ! balbutia-t-il, non sans un énergique effort de volonté, un Clameran, marquis… le marquisat au moins m’est suspect.
M. Fauvel n’était pas fâché de trouver une occasion de taquiner un hôte dont les prétentions nobiliaires l’avaient parfois agacé.
— Marquis ou non, reprit-il, le Clameran en question me paraît en état de faire honneur au titre.
— Il est riche.
— J’ai tout lieu, du moins, de lui supposer une grande fortune. J’ai été chargé, pour son compte, par un de mes correspondants, d’un recouvrement de 400,000 fr.
Clameran était merveilleusement maître de soi. Il avait accoutumé son visage à ne rien trahir du mouvement de son âme. Cependant, cette fois, l’aventure était si bizarre, si surprenante, elle présageait de telles menaces, que son assurance habituelle, son coup d’œil prompt lui faisaient défaut.