Mme Fauvel se défendait encore, mais elle résistait de plus en plus faiblement.
— Non, disait-elle, non, je ne saurais accepter ton dévoûment, Quelle sera ta vie avec cet homme.
— Qui sait ! fit Madeleine, affectant une espérance bien éloignée de son cœur, il m’aime, à ce qu’il dit ; peut-être sera-t-il bon pour moi.
— Ah ! si je savais où prendre une grosse somme ! C’est de l’argent qu’il veut, cet homme, rien que de l’argent.
— Ne lui en faut-il donc pas pour Raoul ? N’est-ce pas Raoul qui, par ses folies, a creusé un abîme qu’il faut combler ? Si seulement je pouvais croire à la sincérité de M. de Clameran !
C’est avec une sorte de curiosité stupéfaite que Mme Fauvel regardait sa nièce.
Quoi ! cette jeune fille si naïve, si inexpérimentée, raisonnait son abnégation, pendant qu’elle, femme, mère de famille, n’avait jamais obéi qu’aux impulsions instinctives de son esprit et de son cœur !…
— Que veux-tu dire ? interrogea-t-elle.
— Je me demande, ma tante, si véritablement M. de Clameran pense à son neveu. A-t-il, oui ou non, l’intention formelle de lui venir en aide ? Maître de ma dot, ne vous abandonnera-t-il pas, toi et lui ? Enfin, il est un doute affreux qui me torture.
— Un doute ?
— Oui, et je te le soumettrais, si j’osais… si je ne craignais…
— Parle, insista Mme Fauvel, livre-moi ta pensée entière. Hélas ! le malheur m’a donné des forces. Qu’ai-je à redouter ? Je puis tout entendre…
Madeleine hésitait, partagée entre la crainte de frapper une personne aimée et le désir de l’éclairer.
— Je voudrais, reprit-elle enfin, être certaine, bien sûre que M. de Clameran et Raoul ne s’entendent pas, ne jouent pas chacun un rôle appris et convenu à l’avance.