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Il s’inclina aussitôt cérémonieusement et sortit, tirant sur lui la porte, avec une violence trahissant la contrainte qu’il s’imposait.

Clameran avait d’ailleurs raison de craindre. L’énergie de Mme  Fauvel n’était pas feinte.

— Oui ! s’écria-t-elle, enflammée de l’enthousiasme des grandes résolutions, oui, je vais tout dire à André.

Mais en ce moment même, et lorsqu’elle avait la certitude d’être seule, elle entendit marcher près d’elle. Brusquement, elle se retourna. Madeleine s’avançait, plus pâle et plus froide qu’une statue, les yeux pleins de larmes.

— Il faut obéir à cet homme, ma tante, murmurait-elle.

Des deux côtés du salon se trouvaient deux petites pièces, deux salles de jeu qui n’en étaient séparées que par de simples portières de tapisserie.

Madeleine, sans que sa tante s’en doutât, se trouvait dans une des petites pièces quand était arrivé le marquis de Clameran, et elle avait entendu la conversation.

— Quoi ! s’écria Mme  Fauvel épouvantée, tu sais…

— Tout, ma tante.

— Et tu veux que je te sacrifie ?

— Je vous demande à genoux de me permettre de vous sauver.

— Mais il est impossible que tu ne haïsses pas M. de Clameran.

— Je le hais, ma tante, et je le méprise. Il est et sera toujours, pour moi, le dernier et le plus lâche des hommes, et, cependant, je serai sa femme.

Mme  Fauvel était confondue, elle mesurait la grandeur de ce dévoûment qui s’offrait à elle.

— Et Prosper, pauvre enfant, reprit-elle, Prosper que tu aimes ?

Madeleine étouffa un sanglot qui montait à sa gorge, et d’une voix ferme répondit :

— Demain, j’aurai pour toujours rompu avec M. Bertomy.