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C’était vrai, ce que disait le marquis, terriblement vrai ; pourtant les éclairs de ses regards ne firent pas baisser les yeux de Mme  Fauvel.

— Peste ! poursuivait-il, on voit qu’il vous tient furieusement au cœur, ce cher monsieur Bertomy ! Entre l’honneur du nom que vous portez et les amours de ce digne caissier, vous n’hésitez pas. Eh bien ! ce vous sera, je crois, une grande consolation, quand M. Fauvel se séparera de vous, quand Albert et Lucien se détourneront de vous, rougissant d’être vos fils, ce vous sera une grande douceur de pouvoir vous dire : « Le bon Prosper est heureux ! »

— Advienne que pourra, prononça Mme  Fauvel, je ferai ce que je dois.

— Vous ferez ce que je veux ! s’écria Clameran, éclatant à la fin, il ne sera pas dit qu’un accès de sensiblerie nous aura tous plongés dans le bourbier. La dot de votre nièce nous est indispensable, et, d’ailleurs, votre Madeleine… je l’aime.

Le coup était porté, le marquis jugea qu’il serait sage d’en attendre l’effet. Grâce à son surprenant empire sur soi, il reprit son flegme habituel, et c’est avec une politesse glaciale qu’il ajouta :

— À vous maintenant, madame, de peser mes raisons. Croyez-moi, consentez à un sacrifice qui sera le dernier. Songez à l’honneur de votre maison et non aux amourettes de votre nièce. Je viendrai dans trois jours chercher une réponse.

— Vous viendrez inutilement, monsieur ; dès que mon mari sera rentré, il saura tout.

Si Mme  Fauvel eût eu son sang-froid, elle eût surpris sur le visage de Clameran l’expression d’une poignante inquiétude.

Mais ce ne fut qu’un éclair. Il eut le geste insoucieux qui, si clairement, signifie : « comme vous voudrez ! » et il dit :

— Je vous crois assez raisonnable pour garder notre secret.