Elle lui jeta, sur ces mots, un regard si perspicace que son impudence en fut troublée.
— Cessez d’insister, fit-elle en même temps, mon parti est irrévocablement pris.
— Votre parti ?
— Oui. Je suis résolue à tout, à tout, entendez-moi bien, pour me soustraire à vos honteuses obsessions. Oh ! quittez cet air ironique ! J’irai, si vous m’y contraignez, me jeter aux pieds de M. Fauvel et je lui dirai tout. Il m’aime, il saura tout ce que j’ai souffert, il me pardonnera.
— Croyez-vous ? demanda Clameran d’un air railleur.
— Que voulez-vous dire ? Qu’il sera impitoyable, qu’il me chassera comme une malheureuse que je suis ? Soit ; je l’aurai mérité. Après les tourments affreux dont vous m’accablez, il n’en est pas dont la perspective puisse m’effrayer.
Cette résistance inconcevable dérangeait à tel point les projets du marquis que, exaspéré, il cessa de se contraindre.
Le masque de l’homme du monde tomba, le coquin apparut, révoltant de cynisme. Sa figure prit la plus menaçante expression, sa voix devint brutale.
— Ah ! vraiment ! reprit-il, vous êtes décidée à vous confesser à M. Fauvel ! Fameuse idée ! Il est dommage qu’elle vous vienne un peu tard. Avouant tout, le jour où je vous suis apparu, vous aviez des chances de salut : votre mari pouvait pardonner une faute lointaine rachetée par vingt années d’une conduite sans reproche. Car vous avez été fidèle épouse, madame, et bonne mère. Seulement, songez-vous à ce que dira le cher homme quand vous lui apprendrez que le prétendu neveu que vous faites asseoir à sa table, qui lui emprunte de l’argent, est le fruit de vos premières amours ? Si excellent que soit le caractère de M. Fauvel, je doute qu’il accepte comme bonne cette plaisanterie qui annonce, ne vous y trompez pas, une perversité effrayante, une rare audace et une duplicité supérieure.