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— Serait-ce donc, madame, un bien grand malheur pour Mlle Madeleine de devenir marquise de Clameran ?

— Ma nièce, monsieur, a choisi librement et de son plein gré son mari. Elle aime M. Prosper Bertomy.

Le marquis haussa dédaigneusement les épaules.

— Amourette de pensionnaire, dit-il ; elle l’oubliera quand vous le voudrez.

— Je ne le veux pas.

— Pardon !… reprit Clameran de cette voix basse et voilée d’un homme irrité qui s’efforce de se contenir, ne perdons pas notre temps en discussions oiseuses. Toujours, jusqu’ici, vous avez commencé par protester et vous vous êtes ensuite rendue à l’excellence de mes arguments. Cette fois encore, vous me ferez la grâce de céder.

— Non, répondit fermement Mme Fauvel, non !

Il ne daigna pas relever l’interruption.

— Si je tiens essentiellement à ce mariage, poursuivit-il, c’est qu’il doit rétablir vos affaires et les nôtres, fort compromises en ce moment. L’argent dont vous disposez ne peut suffire aux prodigalités de Raoul, vous devez vous en être aperçue. Un moment viendra où vous n’aurez plus rien à lui donner et où il vous sera impossible de cacher à votre mari vos emprunts forcés à la caisse du ménage. Qu’arrivera-t-il ce jour-là ?

Mme Fauvel frissonna. Le jour dont parlait le marquis, elle l’entrevoyait dans un avenir prochain.

Lui, cependant, continuait.

— C’est alors que vous rendrez justice à ma prévoyante sagesse et à mes intentions. Mlle Madeleine est riche, sa dot me permettra de combler le déficit et de vous sauver.

— J’aime mieux être perdue que sauvée par de tels moyens.

— Mais moi, je ne souffrirai pas que vous compromettiez notre sort à tous. Nous sommes associés pour une œuvre commune, madame, ne l’oubliez pas : l’avenir de Raoul.