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Son repentir avait des accents qui perçaient le cœur de la pauvre mère. Il avait tant souffert autrefois ! Si bien, qu’à la fin, c’était elle qui le consolait et qui l’excusait.

D’ailleurs, elle avait cru s’apercevoir, non sans effroi, qu’il était jaloux d’Abel et de Lucien — ses frères après tout.

— Ceux-là, disait-il, ceux-là sont heureux qui sont entrés dans la vie par la porte d’or. Rien ne leur manque, ni les tendresses de la famille, ni la considération du monde ; l’avenir est à eux.

— Mais que te manque-t-il, malheureux enfant ? demandait Mme Fauvel désespérée.

— À moi ? Rien en apparence, tout en réalité. Ai-je quelque chose à moi, légitimement ? Quels sont mes droits à tes caresses, au bien-être que tu me donnes, au nom que je porte ? N’ai-je pas volé, pour ainsi dire, jusqu’à ma vie !

En ces moments, pour que Raoul n’eût rien à envier à ses deux fils, elle était prête à tout.

Au moins voulut-elle avoir une compensation. Le printemps approchait ; elle pria Raoul de s’établir à la campagne près de la propriété qu’elle avait à Saint-Germain. Elle s’attendait à des objections ; point. Cette proposition sembla lui plaire, et peu après il lui annonça qu’il venait de louer une bicoque au Vésinet et qu’il y allait faire porter son mobilier.

— Ainsi, mère, dit-il, je serai plus près de toi. Quel bon été nous allons passer !

Elle se réjouit, surtout de ce que les dépenses de l’enfant prodigue probablement diminueraient. Et, vraiment, elle était si bien à bout, qu’un soir, comme il dînait en famille, elle osa, devant tout le monde, lui adresser, — oh ! bien doucement, — quelques observations.

Il était allé, la veille, aux courses, il avait parié et perdu deux mille francs.

— Bast ! fit M. Fauvel avec l’insouciance d’un homme qui a ses coffres pleins, maman Lagors payera ; les mamans ont été créées et mises au monde pour payer.