Quel horrible serrement de cœur, lorsqu’il lui fallut montrer l’œuvre du faussaire, la lettre de Saint-Remy, lorsqu’elle annonça à son mari qu’elle attendait un de ses neveux, un tout jeune homme, très-riche !
Et quel supplice, le soir où elle présenta Raoul à tous les siens.
C’est d’ailleurs le sourire aux lèvres, que le banquier accueillit ce neveu dont il n’avait jamais entendu parler, et qu’il lui tendit sa main loyale.
— Parbleu ! lui avait-il dit, quand on est jeune et riche, on doit préférer Paris à Saint-Remy.
Au moins Raoul prit-il à tâche de se montrer digne de cet accueil cordial. Si l’éducation première, cette éducation que la famille seule peut donner, lui faisait défaut, il était impossible de s’en apercevoir. Avec un tact bien supérieur à son âge, il sut assez démêler les caractères de tous les gens qui l’entouraient pour plaire à chacun d’eux.
Il n’était pas arrivé depuis huit jours qu’il avait su capter les très-bonnes grâces de M. Fauvel, qu’il s’était concilié Abel et Lucien, et qu’il avait absolument séduit Prosper Bertomy, le caissier de la maison, qui passait alors toutes ses soirées chez son patron.
Forcée de rendre justice à l’habileté de Raoul, retrouvant un calme relatif après les plus désolantes appréhensions, Mme Fauvel s’applaudissait presque d’avoir obéi au marquis et se reprenait à espérer.
Hélas ! elle se réjouissait trop tôt.
Depuis que Raoul, grâce aux relations de ses cousins, se trouvait lancé dans un monde de jeunes gens riches, loin de se réformer, il menait une vie de plus en plus dissipée. Il jouait, il soupait ; il se montrait aux courses, et l’argent, entre ses mains prodigues, glissait comme du sable.
Cet étourdi, d’une délicatesse susceptible jusqu’au ridicule, dans les commencements, qui ne voulait de sa mère qu’un peu d’affection, ne cessait maintenant de la harceler d’incessantes demandes.