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frémissante aux bras de Gaston, et l’heure présente, il lui semblait qu’il n’y avait rien. André, ses deux fils, Madeleine, elle les oubliait, emportée dans ce tourbillon de tendresse.

Raoul, cependant, continuait :

— C’est hier seulement que j’ai su que mon oncle était allé te demander pour moi quelques miettes de ta richesse. À quoi bon ! Je suis pauvre, c’est vrai, très-pauvre ; mais la misère ne m’épouvante pas, je la connais. J’ai mes bras et mon intelligence, c’est de quoi vivre. Tu es très-riche, dit-on. Qu’est-que que cela me fait ? Garde toute ta fortune, mère chérie, mais donne-moi un peu de ton cœur. Laisse-moi t’aimer. Promets-moi que ce premier baiser ne sera pas le dernier. Personne ne saura rien ; sois sans crainte, je saurai bien cacher mon bonheur.

Et Mme Fauvel avait pu redouter ce fils ! Ah combien elle se le reprochait ! Combien elle se reprochait aussi de n’avoir pas plus tôt volé au-devant de lui.

Elle l’interrogeait, ce fils, elle voulait connaître sa vie, savoir comment il avait vécu, ce qu’il avait fait.

Il n’avait rien à lui cacher, disait-il, son existence avait été celle des enfants des pauvres.

La fermière à qui on l’avait confié, lui avait toujours témoigné une certaine affection. Même, lui trouvant bonne mine et l’air intelligent, elle avait pris plaisir à lui faire donner une certaine éducation, au-dessus de ses moyens à elle et de sa condition à lui.

À seize ans, on l’avait placé chez un banquier, et à force de travail il commençait à gagner son pain, quand un jour un homme était venu qui lui avait dit : « Je suis ton père, » et l’avait emmené.

Depuis, rien n’avait manqué à son bonheur, rien que la tendresse d’une mère. Il n’avait vraiment souffert qu’une fois en sa vie, le jour où Gaston de Clameran, son père, était mort entre ses bras.

— Mais maintenant, disait-il, tout est oublié, tout.