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papiers, ils s’enflammèrent et bientôt ne furent plus qu’une pincée de cendres.

— Tout est détruit, madame, reprit-il, l’œil brillant des plus généreuses résolutions. Le passé, si vous le voulez, est anéanti comme ces papiers. Si quelqu’un, à cette heure, ose prétendre qu’avant votre mariage vous avez eu un fils, traitez-le hardiment de calomniateur. Il n’y a plus de preuves, vous êtes libre.

Enfin, aux yeux de Mme  Fauvel, le sens de cette scène éclatait, elle commençait à comprendre, elle comprenait.

Ce jeune homme qui l’arrachait à la colère de Clameran, qui lui rendait le libre exercice de sa volonté en détruisant des preuves accablantes qui la sauvaient, c’était l’enfant abandonné : Valentin-Raoul.

En ce moment elle oublia tout ; les tendresses de la mère si longtemps comprimées débordèrent, et d’une voix à peine distincte elle murmura :

— Raoul !

À ce nom ainsi prononcé, le jeune homme chancela. On eût dit qu’il pliait sous l’excès d’un bonheur inespéré.

— Oui, Raoul, s’écria-t-il, Raoul qui aimerait mieux mourir mille fois que de causer à sa mère la plus légère souffrance, Raoul qui verserait tout son sang pour lui éviter une larme.

Elle n’essaya ni de lutter ni de résister ; tout son être vibrait comme si ses entrailles eussent tressailli en reconnaissant celui qu’elles avaient porté.

Elle ouvrit ses bras et Raoul s’y précipita en disant d’une voix étouffée :

— Ma mère ! ma bonne mère ! sois bénie pour ce premier baiser.

C’était vrai, cependant. Ce fils, elle ne l’avait jamais vu. Malgré ses prières et ses larmes, on l’avait emporté sans même lui permettre de l’embrasser, et ce baiser qu’elle venait de lui donner était bien le premier.