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— Cependant, monsieur, d’après une lettre pressante qu’il m’a fait tenir avant-hier, je devais supposer… je supposais…

— Lorsqu’il vous a écrit, madame, il avait des projets auxquels il a renoncé pour toujours.

Mme Fauvel était bien trop surprise, bien trop troublée, pour pouvoir réfléchir. Hors le moment présent, elle ne discernait rien.

— Quoi ! fit-elle avec une certaine défiance, ses intentions sont changées ?

La physionomie du jeune interlocuteur de Mme Fauvel trahissait une sorte de compassion douloureuse, comme s’il eût reçu le contre-coup de toutes les angoisses de la malheureuse femme.

— Le marquis, prononça-t-il, d’une voix douce et triste, renonce à ce qu’il considérait — à tort, — comme un devoir sacré. Croyez qu’il a longtemps hésité avant de se résigner à aller vous demander le plus pénible des aveux. Vous l’avez repoussé, vous deviez refuser de l’entendre, il n’a pas compris quelles impérieuses raisons dictaient votre conduite. Ce jour-là, aveuglé par une injuste colère, il avait juré d’arracher à l’effroi ce qu’il n’obtenait pas de votre cœur. Résolu à menacer votre bonheur, il avait amassé contre vous de ces preuves qui font éclater l’évidence. Pardonnez… un serment juré à un frère mourant le liait.

Il avait pris sur la cheminée une liasse de papiers qu’il feuilletait tout en parlant.

— Ces preuves, poursuivait-il, les voici, flagrantes, irrécusables. Voici le certificat du révérend Sedley, la déclaration de mistress Dobbin, la fermière, une attestation du chirurgien, les dépositions des personnes qui ont connu à Londres Mme de La Verberie. Oh ! rien n’y manque. Toutes ces preuves, ce n’est pas sans peine que je les ai arrachées à M. de Clameran. Peut-être avait-il pénétré mes intentions, et voici, madame, ce que je voulais faire de ces preuves.

D’un mouvement rapide il lança dans le feu tous les