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Dieu seul, en ce péril immense, pouvait venir à son secours, la sauver. Elle priait.

« Ô mon Dieu ! disait-elle, punis-moi et j’adorerai le châtiment, car je suis bien coupable. Châtie-moi, car j’ai été mauvaise fille, mère indigne et épouse perfide. Frappe-moi, mon Dieu, mais ne frappe que moi ! Que ta juste colère épargne les innocents, aie pitié de mon mari et de mes fils ! »

Qu’étaient ses vingt années de bonheur, comparées à cette heure de désespoir ? Rien, un remords.

Ah ! pourquoi avait-elle écouté sa mère, pourquoi s’était-elle tue !

Plus d’espoir, désormais.

Cet homme, qui venait de s’éloigner, la menace à la bouche, il reviendrait ; elle ne le comprenait que trop. Que lui répondrait-elle ?

Cette fois, elle avait réussi à dompter toutes les révoltes de son cœur et de sa conscience, aurait-elle, un autre jour, la même énergie, le même empire sur ses sensations ?

Ce courage dont elle-même s’étonnait, elle le devait, elle-même le reconnaissait, à la maladresse de Clameran.

Que ne priait-il, au lieu de menacer !

Il s’en était fallu de bien peu qu’elle se trahît quand Louis avait parlé de Raoul. Ses entrailles avaient tressailli, au nom du pauvre abandonné qui expiait les fautes de sa mère.

À l’idée que peut-être il subirait les étreintes de la misère, tout son être frémissait d’une douleur aiguë.

Lui, manquer de pain, lui, son enfant ! Et elle était riche, et tout Paris enviait son luxe !

Ah ! que ne pouvait-elle mettre à ses pieds tout ce qu’elle possédait. Avec quelles délices elle eût épuisé les plus pénibles privations. Mais comment, sans se livrer, lui faire tenir assez d’argent pour le mettre à l’abri des difficultés de la vie !

C’est que la voix de la prudence lui criait qu’elle ne devait pas, qu’elle ne pouvait pas accepter l’entremise de Louis de Clameran.