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fois, en effet, j’ai eu la confiance de M. Gaston de Clameran. Je vais vous en donner une preuve, en vous restituant les parures de la marquise votre mère, qu’il m’avait confiées lors de son départ.

Tout en parlant, elle avait pris sous un des coussins de la causeuse, la bourse qui renfermait les bijoux, et elle la tendait à Louis.

— Voici ce dépôt, monsieur le marquis, dit-elle, permettez-moi de m’étonner que votre frère ne me l’ait jamais redemandé.

Moins maître de soi, Louis eût laissé voir quelle surprise était la sienne.

— J’avais mission, fit-il d’un ton sec, de ne pas parler de ce dépôt.

Sans répondre, Mme  Fauvel étendit la main vers un cordon de sonnette.

— Vous trouverez bon, monsieur, fit-elle, que je brise un entretien accepté uniquement pour vous restituer des bijoux précieux.

Ainsi repoussé, M. de Clameran ne crut pas devoir insister.

— Soit, madame, prononça-t-il, je me retire. Je dois seulement ajouter que mon frère m’a dit encore : « Si Valentine avait tout oublié, si elle refusait d’assurer l’avenir de notre fils, je t’ordonne de l’y contraindre. » Méditez ces paroles, madame, car ce que j’ai juré de faire, sur mon honneur, je le ferai !…

Enfin, Mme  Fauvel était seule, elle était libre. Enfin elle pouvait, sans craintes, laisser éclater son désespoir.

Épuisée par les efforts qu’il lui avait fallu faire pour rester calme sous l’œil de Clameran, elle se sentait brisée de corps et d’âme.

C’est à peine si elle eut la force de gagner, en chancelant, sa chambre à coucher et de s’y enfermer.

Maintenant, plus de doutes, ses craintes étaient devenues des réalités. Elle pouvait, avec certitude, sonder les profondeurs du précipice où on allait la pousser et où elle entraînerait tous les siens.