Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quante ans sonnés, quand il s’est avisé de lui faire la cour, et il n’en avait pas vingt-cinq. Vous comprenez bien qu’il en voulait à l’argent et non à la femme. La pauvre sotte a cru que le gars l’aimait et dame ! elle a donné sa main et ses écus.

— Et ils ont profité, oui, interrompit Pilorel.

— Ça, c’est vrai. Fougeroux n’a pas son pareil pour faire suer l’argent. Il est riche aujourd’hui, mais il devrait bien savoir gré à Mihonne de sa richesse. Qu’il ne l’aime pas, on comprend ça, elle a l’air de sa grand’mère ; mais qu’il la prive de tout et qu’il la batte comme plâtre, c’est honteux.

— Il la voudrait à six pieds sous terre, quoi ! fit le passeur.

— Et il l’y mettra avant longtemps. Elle est comme expirante, la pauvre vieille, depuis que Fougeroux a installé chez lui une gourgandine dont elle est devenue la servante.

On abordait. Joseph et le marquis, après avoir prié le passeur d’attendre leur retour, prirent le chemin du mas de la Montagnette.

C’était une ferme de bonne apparence, bien tenue, entourée de cultures intelligentes.

Joseph ayant demandé le maître, un jeune garçon lui répondit que « M. Fougeroux » était dans les champs tout près, et qu’on allait le prévenir.

Il ne tarda pas à paraître. C’était un très-petit homme à barbe rouge, à l’œil inquiet et fuyant.

Bien que M. Fougeroux fît profession de détester les nobles et les prêtres, l’espoir de faire un bon marché le rendit obséquieux jusqu’à la servilité.

Il s’empressa de faire passer Louis dans « sa salle, » avec force révérences et des « monsieur le marquis » à n’en plus finir.

En entrant, il s’était adressé à une vieille femme qui tremblait la fièvre au coin de l’âtre éteint, et lui avait brutalement ordonné de descendre quérir du vin pour M. le marquis de Clameran.