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Il était tout au calcul en ce moment. Le notaire de son père, qu’il avait mandé, parut. Il lui signa une procuration pour vendre toutes les terres et en reçut une somme de vingt mille francs, un premier emprunt.

Puis, à la fin de la semaine, un soir, il ferma toutes les portes du château, où il se jurait de ne revenir jamais, et il en remettait toutes les clés à Saint-Jean, qui ayant une certaine aisance, possédant une petite maison près de Clameran, devait continuer à habiter le pays.

Pauvre Saint-Jean ! Il ne se doutait pas qu’en empêchant Valentine d’arriver jusqu’à Louis, il avait, pour ainsi dire perdu une seconde fois ce Gaston qu’il aimait tant.

En recevant les clés, il ne se permit qu’une objection :

— Ne ferons-nous donc pas chercher le cadavre de votre frère, monsieur le marquis ? demanda-t-il d’un air navré. Et si on le retrouve, que faudra-t-il faire ?

— Je laisserai des instructions à mon notaire, répondit Louis.

Et il s’éloigna comme si la terre de Clameran lui eût brûlé les pieds. Il se rendit à Tarascon, où, d’avance, il avait envoyé ses bagages et où il devait prendre la voiture faisant le service entre Marseille et Paris. Le chemin de fer n’était pas encore livré à la circulation.

Enfin, il partit ! La lourde diligence s’ébranla, et bientôt fut emportée au galop de ses six chevaux, creusant à chaque tour de roue un abîme entre le passé et l’avenir.

Enfoncé dans un des coins du coupé, Louis de Clameran savourait par avance les délices dont il allait épuiser les réalités. Au bout du chemin, Paris se levait dans la pourpre, radieux comme le soleil, éblouissant comme lui.

Car il allait à Paris… N’est-ce pas la terre promise, la cité des merveilles où chaque Aladin trouve une lampe ? Là, toutes les ambitions sont couronnées, tous les rêves se matérialisent, toutes les passions s’épanouissent, il est des assouvissements pour toutes les convoitises.