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coup, elle entrevit le scandale, la douleur d’André, les colères de sa mère, elle vit son existence perdue ; elle se dit qu’il était trop tard, et avec une explosion de sanglots elle s’écria, comme toutes les jeunes filles quand le dernier moment est proche :

— J’ai peur !…

Lui, aussitôt, s’expliquant ce trouble, ces craintes vagues, l’horreur de l’inconnu, les révoltes de la pudeur, s’efforça de la consoler, de la rassurer, tout surpris de voir que ses bonnes paroles, loin de la calmer, semblaient redoubler sa douleur.

Mais déjà Mme de La Verberie accourait, on allait signer le contrat. André Fauvel ne devait rien savoir.

Enfin, le lendemain, par un beau jour de printemps, eut lieu à l’église du village le mariage d’André Fauvel et de Valentine de La Verberie.

Dès le matin, le château était empli des amies de la jeune mariée qui venaient, suivant l’usage, présider aux derniers apprêts de sa toilette.

Elle s’efforcait de rester calme, souriante même ; cependant elle était plus pâle que son voile, d’affreux remords la déchiraient. Il lui semblait qu’on devait lire la vérité sur son visage, et que cette blanche toilette n’était qu’une amère ironie, une suprême humiliation.

Elle frémit quand sa meilleure amie s’approcha pour placer sur sa tête la couronne de fleurs d’oranger. Il lui paraissait que cette couronne allait la brûler. Elle ne la brûla pas, mais une des tiges de fil de fer mal recouverte lui fit au front une légère écorchure qui saigna beaucoup, et même une goutte de sang tomba sur sa robe.

Quel présage ! Valentine faillit se trouver mal.

Mais les présages sont menteurs, et la preuve, c’est qu’un an après son mariage, Valentine était, assurait-on, la plus heureuse des femmes.

Heureuse !… oui, elle l’eût été complètement si elle eût pu oublier.

André l’adorait. Il s’était lancé dans les affaires et