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Calculant fort juste, elle avait tout à coup renoncé aux obsessions, ne discutant plus, affirmant avec une résignation larmoyante qu’elle ne voulait pas influencer les résolutions de sa fille.

Mais elle criait misère, mais elle geignait comme si elle eût été à la veille de manquer de pain ; mais elle avait pris ses mesures pour être harcelée par les huissiers. Saisies et significations pleuvaient à La Verberie, et tous ces papiers timbrés, elle les montrait à Valentine, en disant :

— Dieu veuille que nous ne soyons pas chassées de la maison de nos pères avant ton mariage, ma bien-aimée !

D’ailleurs, se sentant assez d’influence pour glacer une révélation sur les lèvres de sa fille, jamais elle ne la laissa seule une minute avec André.

— Une fois mariés, pensait-elle, ils s’arrangeront.

Puis, tout autant que l’impatient André, elle pressait les préparatifs de la noce. Elle ne laissait à Valentine ni le temps de se reconnaître, ni un moment pour réfléchir. Elle l’occupait, l’envahissait, l’étourdissait de mille et mille détails. C’était une robe à acheter, quelque objet du trousseau à changer, une visite à faire, une pièce à se procurer.

Si bien qu’elle gagna ainsi la veille du grand jour, haletante d’espoir, oppressée d’anxiété, comme le joueur au moment décisif d’une grosse partie.

Ce soir-là, pour la première fois, Valentine se trouva seule avec cet homme qui allait être son mari.

La nuit tombait, elle s’était réfugiée dans le salon, tourmentée d’angoisses plus poignantes que d’ordinaire. Il entra.

La voyant en larmes, affreusement troublée, doucement il lui prit la main, et lui demanda ce qu’elle avait.

— Ne suis-je pas votre meilleur ami, disait-il, ne dois-je pas être le confident de vos chagrins, si vous en avez ? Pourquoi ces larmes, mon amie ?

En ce moment, elle faillit tout avouer. Mais tout à