frante des angoisses d’une longue nuit sans sommeil, elle était presque résolue à parler.
Mais quand vint le soir, quand elle se trouva près d’André Fauvel, sous l’œil tour à tour menaçant et suppliant de sa mère, le courage lui manqua.
Elle se disait encore : je parlerai ; mais elle se disait : ce sera demain, un autre jour, plus tard.
Aucune de ces luttes n’échappait à la comtesse, mais elle n’était plus guère inquiète.
La vieille dame le savait peut-être par expérience : Quand on remet à accomplir une action difficile et pénible, on est perdu, on ne l’accomplit jamais.
Peut-être Valentine avait-elle une excuse dans l’horreur de sa situation. Peut-être, à son insu, un espoir irraisonné s’agitait-il en elle. Un mariage, même malheureux, lui offrait les perspectives d’un changement, d’une vie nouvelle, d’un allégement à d’insupportables souffrances.
Parfois, dans son ignorance de toutes choses, elle se disait qu’avec le temps, avec une intimité plus grande, l’horrible aveu viendrait presque naturellement, et qu’André pardonnerait, et qu’il l’épouserait quand même, puisqu’il l’aimait.
Car il l’aimait vraiment, elle ne pouvait pas ne pas s’en apercevoir. Certes, ce n’était plus la passion impétueuse de Gaston, avec ses terreurs, ses emportements, ses ivresses, mais c’était un amour calme, réfléchi, plus profond peut-être, puisant une sorte de recueillement dans le sentiment de sa légitimité et de sa durée.
Et Valentine, doucement, s’accoutumait à la présence d’André, toute surprise de ce bonheur inconnu, de ces attentions délicates de tous les instants, de ces prévenances qui allaient au-devant de ses pensées. Elle n’aimait pas encore André, mais une séparation lui eût été douloureuse, cruelle.
Pendant ce temps où le jeune ingénieur avait été admis à faire sa cour, la conduite de la vieille comtesse avait été un chef-d’œuvre.