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lerais pas ainsi. Ta folie a commencé notre ruine ; elle est aujourd’hui consommée. Sais-tu où nous en sommes ? Nos créanciers me menacent de me chasser de La Verberie. Que deviendrons-nous après, ô ma fille ? Faudra-t-il qu’à mon âge j’aille de porte en porte tendre la main ? Nous sommes perdues, et ce mariage est le salut.

Et, après les prières, les raisonnements venaient.

Elle avait à son service, cette chère comtesse, des théories subtiles et étranges. Ce qu’autrefois elle appelait un crime monstrueux n’était plus qu’une peccadille. À l’entendre, la situation de Valentine se présentait tous les jours.

Elle eût compris, disait-elle, les scrupules de sa fille, si on eût pu craindre quelque révélation du passé. Mais de telles précautions avaient été prises, qu’il n’y avait rien à redouter.

En aimerait-elle moins son mari ? Non, En serait-il moins heureux ? Non. Dès lors, pourquoi hésiter ?

Étourdie, frappée de vertige, Valentine se demandait si c’était bien sa mère, cette femme si hautaine, si intraitable, jadis, dès qu’il était question d’honneur ou du devoir, qui s’exprimait ainsi, démentant en une fois les paroles de sa vie entière.

Hélas ! oui, c’était elle.

C’est que Valentine ignorait à quelles capitulations flétrissantes peut se résoudre une conscience qu’aveugle l’égoïsme et l’intérêt. Elle ne savait pas quelles fourches caudines prépare la misère à ceux qui n’ont pas le courage de la supporter dignement.

Les subtils arguments, les sophismes honteux de la comtesse ne devaient ni la toucher ni l’ébranler, mais elle ne se sentait ni la force ni le courage de résister aux larmes de cette mère, qui, voyant qu’elle n’obtenait rien, se traînait à ses genoux, l’adjurant à mains jointes de la sauver.

Plus émue qu’elle ne l’avait jamais été, déchirée par mille sentiments contraires, n’osant ni refuser ni promet-