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L’exigence parut bien un peu forte au jeune ingénieur ; pourtant, avec l’insouciante générosité d’un amoureux, il répondit :

— Le gendre dont nous parlons aimerait peu Mlle Valentine, si une misérable question de deux mille francs l’arrêtait.

— Vous m’en direz tant !… murmura la comtesse.

Mais une soudaine objection lui venait à l’esprit :

— Encore faudrait-il, remarqua-t-elle, que ce gendre honnête que nous supposons eût assez de bien pour remplir ses engagements. Je tiens trop au bonheur de ma fille pour la donner à un homme qui ne m’offrirait pas — comment dit-on cela ? — une caution, des garanties…

— Décidément, pensait Fauvel un peu honteux, c’est un marché que nous débattons.

Et, tout haut, il poursuivit :

— Il est clair que votre gendre s’engagerait par le contrat de mariage…

— Jamais ! monsieur, jamais ! Et les bienséances ! Que dirait-on de moi ?

— Permettez… il serait spécifié que votre pension serait l’intérêt d’une somme qu’il reconnaîtrait avoir reçue.

— Comme cela, oui, en effet…

À toute force, ce soir-là, Mme de La Verberie voulut ramener André dans sa calèche. Pas un mot direct ne fut échangé entre eux le long du chemin, mais ils s’étaient compris, ils étaient fixés l’un sur l’autre.

Ils s’entendaient si bien, qu’en déposant à sa porte le jeune ingénieur, la comtesse lui tendit sa maigre main, qu’il baisa dévotement en songeant aux jolis yeux de Valentine, et l’invita à dîner pour le lendemain.

Certes, il y avait des années que Mme de La Verberie n’avait été si joyeuse, et ses servantes admirèrent sa belle humeur.

C’est que tout à coup, brusquement, d’une situation désespérée elle passait à une position presque brillante. Et elle qui affichait de si fiers sentiments, elle n’aperce-