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C’était là, pour elle, un texte inépuisable de récriminations, dont, sans cesse, à chaque repas, à propos de tout et de rien, elle sacrifiait sa fille.

Car tout en ayant déclaré que le passé n’existait pas, elle y revenait continuellement comme pour y puiser de nouveaux aliments à ses colères.

— Votre faute nous a ruinées, répétait-elle à tout propos.

Si bien qu’un jour Valentine exaspérée ne put s’empêcher de répondre :

— Vous me pardonneriez donc si elle nous eût enrichies !

Mais ces révoltes de Valentine étaient rares, bien que son existence ne fut plus qu’une longue suite de tortures, ménagées avec un art infini.

La pensée même de Gaston, cet élu de son âme, était devenue une souffrance. Peut-être, découvrant l’inutilité de son courage et de son dévoûment à ce qu’elle avait cru le devoir, se repentait-elle de ne l’avoir pas suivi. Qu’était-il devenu ? Comment n’avait-il pas imaginé un expédient pour lui faire tenir une lettre, un souvenir, un mot ? Peut-être était-il mort. Peut-être l’avait-il oubliée. Il avait juré qu’avant trois ans, il reviendrait riche ; reviendrait-il jamais ?

Et même lui était-il possible de revenir ? Sa disparition n’avait pas éteint l’horrible affaire de Tarascon. On le supposait noyé, mais comme on n’avait, de sa mort, aucune preuve positive, force avait été à la justice de donner satisfaction à l’opinion publique soulevée.

L’affaire avait été en cour d’assises, et Gaston de Clameran avait été condamné, par contumace, à plusieurs années de prison.

Quant à Louis de Clameran, on ne savait au juste ce qu’il était devenu. D’aucuns prétendaient qu’il habitait Paris où il menait joyeuse vie.

Informée de ces dernières circonstances par sa fidèle Mihonne, Valentine se prenait à désespérer. Vainement elle interrogeait le morne avenir, pas une lueur n’éclairait le sombre horizon de sa vie.